L’Enfant Maudit des Marais de Solvor
Né sous un ciel chargé de cendres et de présages funestes, Thar’Zul vivait le jour dans les marais de Solvor, une terre fétide où les brumes noires effacent la frontière entre la vie et la mort. Son peuple, les Nécryens, vivait en marge des royaumes, craints pour leurs rites obscurs et leur culte silencieux envers les puissances souterraines. Sa mère, une oracle consumée par la folie des visions, prétendait avoir entendu la voix d’Argone murmurer à travers ses entrailles. On dit qu’au moment où elle mit son fils au monde, les torches du village s’éteignirent, et les eaux du marais stagnèrent comme si le temps s’était figé.
Dès l’enfance, Thar’Zul ne connut que la pénombre. Son regard était vide, sa voix rare, mais lorsqu’il parlait, ses mots étaient empreints d’une sagesse funeste, d’une connaissance interdite que nul ne lui avait enseignée. À l’âge de sept legas, il traversa seul les marais, un lieu où même les plus braves chasseurs ne s’aventuraient pas en raison des bandits, et en revint indemne, un crâne ancien gravé de runes impies entre les mains. Lorsqu’il déclama les premiers versets du Cantique des Morts, les vieillards du clan se prosternèrent devant lui : ils comprirent qu’il était l’Elu d’Argone, le futur prophète de la décrépitude et du renouveau éternel.
Chassé du monde des vivants, Thar’Zul grandit dans la nuit, errant de nécropole en ruines interdites. Il se rendit à la Nécrovale d'Argone, où il apprit les secrets de la nécromancie pure, celle qui ne relevait pas du simple sortilège, mais du pacte intime avec la Mort elle-même. Il offrit son sang à l’Autel des Ombres, laissant la corruption d’Argone s’insinuer en lui, flétrissant sa chair, noircissant son âme, mais en retour, lui offrant l’éternelle communion avec son dieu.
Son errance le mena aux portes d’Eldrastor, la cité déchue autrefois bénie par Irkay, mais tombée en disgrâce sous l’influence du culte d’Argone. Là, dans les entrailles d’une forteresse souterraine, il découvrit le Temple Noir, un sanctuaire profané où les statues des anciens dieux étaient rongées par la mousse et les miasmes du néant. Les fidèles d’Argone s’y rassemblaient en secret, chuchotant des prières à la gloire du Fléau des Vivants.
Sous son regard, le Temple Noir d’Eldrastor renaquit dans les ténèbres. Thar’Zul érigea un autel de chair et d’os, où il pratiquait d’innombrables sacrifices pour alimenter le pouvoir de son dieu. Il développa des rituels interdits, transformant les cadavres en sentinelles funèbres tel un fossoyeur, des abominations errantes qui protégeaient le sanctuaire. Sa parole était loi, son ombre une malédiction, et ceux qui osaient s’opposer à lui finissaient suspendus aux colonnes du temple, leurs âmes aspirées par les brasiers nécrotiques. Il fut à l'origine de l'invasion des morts-vivants d'Argone à Eldrastor. Un pacte le liant au lieu lui même pour inciter la shael'maara Zahraya de bâtir un temple dédié au dieu Argone afin de les préserver des morts-vivants.
Désormais, Eldrastor est un bastion de la mort, un territoire où le culte d’Argone règne sans partage. Les cloches funèbres résonnent chaque nuit, annonçant l’ultime éclipse où les vivants disparaîtront sous le poids de l’oubli.
Et dans les profondeurs du temple, Thar’Zul veille, les mains tachées de l’ichor - le sang des morts-vivants - des âmes consumées, attendant l’heure où le règne d’Argone s’étendra sur le monde.